vendredi 29 avril 2011

RADAR DE FEU : FAUT-IL DENONCER LE CONDUCTEUR ?

Article paru dans AUTO MOTO N° 174, Janvier-février 2010


« J’ai vu un radar de feu rouge : il ne semble prendre le véhicule en infraction que par l’arrière, rendant l’identification du conducteur impossible. Le titulaire de la carte grise est-il tenu de dénoncer le conducteur ? A qui l’amende et le retrait de points sont-ils imputables ? »


Les radars de feu, qui contrairement aux radars fixes de mesure de la vitesse ne sont jamais signalés, sont toujours installés avant le feu et les deux photos qu’ils prennent sont effectivement des vues de l’arrière du véhicule.


Tous fonctionnent selon le même principe : un appareil photo numérique, couplé à un flash, est placé en haut d’un mât situé de 15 à 30 mètres en amont du feu tricolore. Alors que le feu est au rouge, une première photo est prise lorsque le véhicule atteint la ligne d’arrêt de feu, puis une seconde lorsque le véhicule a franchi la ligne d’arrêt de feu. Rappelons que l’article R.412-30 du Code de la route énonce que « lorsque la ligne d’arrêt n’est pas matérialisée sur la chaussée, elle se situe à l’aplomb du feu de signalisation ou avant le passage piéton lorsqu’il en existe un ».


Enfin, ajoutons que les photographies sont prise en plan large de manière à ne pas sanctionner les automobilistes franchissant par nécessité la ligne d’arrêt (par exemple pour facilité le passage d’un véhicule prioritaire visible sur la photo). Dès lors que l’infraction est constituée, l’amende forfaitaire de 135 € et le retrait de 4 points sur le permis de conduire sont les sanctions encourues. La principale difficulté concernant l’identification de l’auteur de l’infraction porte sur le fait que la photographie est prise par l’arrière.


Paiement obligatoire, dénonciation facultative


Or, si le conducteur du véhicule flashé n’est pas identifiable, l’auteur de l’infraction reste inconnu et c’est le mécanisme de responsabilité pécuniaire du titulaire du certificat d’immatriculation qui s’applique. En effet, l’article L.121-3 du Code de la route (relatif également aux excès de vitesse constatés par appareils automatiques) prévoit que le propriétaire du véhicule flashé est responsable pécuniairement de l’amende encourue, mais ne perd pas de points.


Si le propriétaire du véhicule flashé par un radar à un feu rouge n’était pas le conducteur, il doit donc, pour ne pas être déclaré responsable et ainsi éviter l’amende, dénoncer le véritable conducteur. S’il ignore l’identité du conducteur au moment des faits, ou ne veut pas le dénoncer, il sera seulement responsable pécuniairement de l’amende encourue, mais pas coupable des faits, et ne perdra donc aucun point sur son permis de conduire.


Mais pour cela, il lui faudra contester le PV (donc consigner le montant de la contravention) en faisant valoir qu’il n’est pas l’auteur de l’infraction. L’officier du ministère public renverra alors l’affaire devant le tribunal compétent. Bien sûr, lors de l’audience, le juge cherchera à obtenir – par intimidation – l’identité du conducteur. Faute de résultat, et si le magistrat est convaincu du manque de coopération ou de la culpabilité du responsable pécuniaire, il prononcera à son encontre une amende plus importante, pouvant aller jusqu’à 750 €.

Par Matthieu Lesage, avocat, et Bernard Do, Juge de proximité, membres de la commission juridique de 40 Millions d’automobilistes.


Radars multifonctions ?

Le franchissement du feu orange, interdit par le Code de la route, n’est pas constaté par ces appareils. Le radar n’entre en action que si, feu au rouge, il détecte un véhicule franchissant la ligne (équipée de capteurs) indiquée sur la chaussée par des pointillés blancs. Mais les radars sur feux rouges pourraient à l’avenir contrôler aussi la vitesse des automobilistes, comme cela se pratique dans d’autres pays, en Italie au Canada par exemple. Enfin, il est déjà prévu de mettre en place des radars sur feux rouges qui contrôleront aussi le respect des distances de sécurité entre les véhicules.

mercredi 27 avril 2011

PERMIS SUSPENDU : QUAND PERD-ON SES POINTS ?

« Je viens de récupérer mon permis après un mois de suspension. En consultant mon solde de points, j’ai vu qu’il n’avait pas changé. La suspension s’est-elle substituée à la perte des quatre points, ou ai-je bénéficié d’un bogue informatique ? »

Votre condamnation par le juge entraîne automatiquement le retrait de points. En effet, aux termes de l’article L.223-1 du Code de la route, la réalité d’une infraction entraînant un retrait de point est établie par : le paiement d’une amende forfaitaire, l’émission du titre exécutoire de l’amende forfaitaire majorée, l’exécution d’une composition pénale ou – comme dans votre cas – par une condamnation définitive.

Mais le délai entre le jour de la condamnation et celui du retrait effectif des points peut être très long.

Il y a plusieurs raisons à cela. D’abord, avant que la réalité de l’infraction soit déclarée établie au sens juridique, il faut que votre affaire soit judiciairement « terminée ». Or, cela n’est le cas que lorsque la condamnation devient définitive. Par exemple, dès lors que vous ne faites pas appel dans un délai de dix jours à compter du jugement. En effet, il n’y a alors plus aucune possibilité de revenir sur le jugement rendu.

Dès lors, le retrait de points interviendra dans un délai qui peut être plus ou moins long. Dans le cadre d’une suspension de permis, il est donc même courant de récupérer son carton rose avant que le moindre point n’en soit retiré.

La suspension de permis : une sanction pénale

Si le juge a prononcé à votre encontre une peine de suspension de votre permis de conduire, cela signifie que vous avez été déclaré coupable des faits reprochés. Vous avez donc été condamné par le tribunal. Cependant, si vous consultez le solde de vos points dans les jours suivant la condamnation par le tribunal, vous verrez qu’aucun point ne vous a été retiré.

Cela ne signifie pas que la peine de suspension s’est substituée au retrait de points.

C’est impossible, puisque le retrait de points n’est pas une sanction de nature pénale et ne relève donc pas de la compétence du juge. C’est pourquoi ce magistrat n’évoque pas cette sanction lors de l’audience et que certains automobilistes s’imaginent, à tort, y avoir échappé.

Le retrait de points : une sanction administrative

Le retrait de points est une décision administrative, sur laquelle le juge n’a aucune emprise. Cette sanction peut intervenir dans un délai pouvant aller jusqu’à quinze mois. Attention, cette action n’est pas soumise au délai de prescription, qui est, par exemple, d’un an en matière de contravention. Ainsi, si vous êtes reconnu coupable du franchissement d’un feu rouge, le retrait de points peut survenir plus d’un an après la condamnation judiciaire, sans qu’il soit possible d’invoquer un quelconque délai de prescription. Ce retrait de points tardif reste légal.

Une durée aussi longue s’explique par le fait que le retrait est opéré par le service du fichier national des permis de conduire, qui doit préalablement être informé de l’existence de la condamnation par le tribunal qui l’a prononcée. Entre le temps d’information et le temps de traitement par le service du fichier national, les mois passent. Ne compter donc pas trop sur un bogue informatique – possible, mais très rare – et dites-vous que vous allez, tôt ou tard, perdre vos points. Vous en serez en principe avisé par courrier simple par l’administration. Par ailleurs, vous avez la possibilité de consulter votre solde sur le site Internet Télépoints.

Quel délai pour récupérer ses points ?

Le Code de la route précise que si le titulaire du permis de conduire n’a pas commis, dans le délai de trois ans à compter de la dernière condamnation définitive, une nouvelle infraction ayant donné lieu au retrait de points, son permis est affecté de 12 points. Le point de départ du délai est donc la date de paiement de l’amende qui vaut reconnaissance des faits ou la dernière condamnation devenue définitive, et non la date à laquelle a été commise l’infraction ou celle à laquelle est intervenu le retrait de points consécutif à une condamnation.

En clair, même si le retrait de points intervient plusieurs mois après la condamnation, le délai de trois ans n’est pas interrompu, puisqu’il a débuté le jour où la condamnation est devenue définitive. Ainsi, si vos points sont retirés de votre permis 14 mois après le règlement de votre amende ou votre jugement définitif, sans nouvelle infraction, vous les récupèrerez 22 mois après le retrait de points. Ce principe joue également pour le délai d’un an sans infraction permettant de se voir restituer la perte d’un point.

Matthieu Lesage, Avocat, est membre de la commission juridique de l'association 40 millions d'automobilistes

Exception : La dispense de peine

Le code de procédure pénale prévoit qu’un juge peut vous déclarer coupable d’une infraction, mais vous dispenser de peine : vous n’êtes condamné à… rien. Or, le Conseil d’Etat – dans un arrêt rendu le 16 juin 2004 – juge que si vous êtes dispensé de peine, aucun retrait de point ne peut intervenir, même si vous êtes déclaré coupable. Cependant, en pratique, la dispense de peine est rarement prononcée par un juge…

vendredi 22 avril 2011

FLASHE A L'ETRANGER : QUELLE SANCTION ?

Article paru dans AUTO MOTO N° 173, décembre 2009


« Je viens de me faire flasher lors d’un séjour en Grande-Bretagne. Je souhaiterais savoir si je risque de recevoir un PV ? Si oui, peut-on me retirer des points ? Enfin, le montant de l’amende correspond-il au barème anglais ou français ? »


La multiplication du nombre de radars au bord des routes est un phénomène qui ne touche pas seulement la France (il y a 6 000 radars en Grande-Bretagne). Le risque d’être flashé dans un pays étranger dont on ne maîtrise pas toujours les règles de circulation est donc important. Par ailleurs, plusieurs pays de l’Union européenne disposent d’un système de permis de conduire à points. Le premier l’ayant instauré n’est pas la France, mais l’Allemagne, en 1974.


Cependant, le traitement du permis de conduire à point n’est pas harmonisé en Europe et il n’existe pas encore de procédure communautaire permettant la poursuite d’une infraction routière commise à l’étranger.


Tout conducteur circulant sur le sol d’un pays déterminé doit respecter les règles de circulation routière propres à ce pays, qu’il en soit citoyen ou non. Ce principe s’applique également aux sanctions prévues en cas de manquement aux règles de circulation routière, puisque l’infraction est sanctionnée selon les règles applicables sur le lieu de sa commission. Si le conducteur est interpellé, il lui sera donc demandé de s’acquitter du montant de l’amende entre les mains de l’agent verbalisateur pour que le cas soit réglé sur le champ.


Mais si le conducteur ne s’acquitte pas immédiatement de son amende, il ne fera, dans l’immense majorité des cas, l’objet d’aucune poursuite ou relance de paiement, et l’affaire en restera là. C’est pourquoi de nombreux automobilistes interpellés à l’étranger, et notamment en Espagne, ont été contraints de payer sur place leur amende, souvent sous la menace – dans certains pays tout à fait réelle – de la saisie instantanée du véhicule ou d’un emprisonnement immédiat.


Pas de perte de points



En revanche, aucune perte de points n’interviendra pour une infraction commise à l’étranger. A cela trois raisons.


Premièrement, chaque pays a un système national de points, dont le mode de fonctionnement lui est propre. En Grande-Bretagne, par exemple (mais également en Allemagne, Grèce, Danemark, Italie…), le permis de conduire est au départ doté d’un solde de zéro, puis des points sont crédités lorsque des infractions sont commises, jusqu’à une limite maximale de points à ne pas dépasser. Évidemment, un tel système de gestion des points est inapplicable à un conducteur français. En outre, les barèmes des infractions diffèrent.


Deuxièmement, il n’y a pas une communication des infractions suffisante aujourd’hui entre les différents pays. Ainsi la Grande-Bretagne n’avertira pas le Fichier national des permis de conduire français du non-respect d’un feu rouge sur son sol, qui engendrerait une perte de quatre points sur le permis français.


Troisièmement et surtout, de l’aveu même de la Commission européenne (dépêche de presse du 19 mars 2008), à de très rares exceptions près l’identification du conducteur par sa plaque d’immatriculation étrangère est impossible. Il ne fera donc, dans l’immense majorité des cas, l’objet d’aucune poursuite de la part du pays sur le territoire duquel il a été flashé.


Mais en cas de retour dans ce pays, l’enregistrement de son numéro de plaque d’immatriculation – auprès des services de police et parfois même des douanes -, l’expose sur place à l’exécution de la sanction, soit concrètement au paiement de l’amende.


Par Matthieu Lesage, avocat, membre de la commission juridique de 40 Millions d’automobilistes.


Poursuite Transfrontalière

La Commission européenne souhaite mettre un terme à l’impunité des conducteurs commettant des infractions sur le territoire d’un pays étranger, concernant les infractions les plus graves (conduite sous l’emprise d’un état alcoolique, délit de fuite après un accident…). Cette impunité entraîne une inégalité de traitement entre les conducteurs qui commettent une infraction avec un véhicule immatriculé dans un pays de l’Union et les contrevenants résidents. Ainsi, elle a adopté le 19 mars 2008 une proposition de directive facilitant la poursuite transfrontalière des infractions au Code de la route qui mettent le plus en danger la sécurité.

Le 29 juillet 2009, le Sénat français a adopté une résolution favorable à cette proposition de directive. La mise en place d’un réseau européen d’échange de donnée électronique permettant d’envoyer les avis de contraventions à l’étranger va donc peut-être bientôt voir le jour…

mardi 19 avril 2011

PERMIS A POINTS - INVALIDATION : LA RÉTROACTIVITÉ DE L'ANNULATION DE LA DÉCISION 48SI PAR LE JUGE ADMINISTRATIF

La Cour de Cassation confirme l’application du principe de rétroactivité en matière pénale.

Cour de Cassation, Chambre Criminelle, 15 octobre 2008.

L’annulation par la juridiction administrative d’un acte administratif implique que cet acte est réputé n’avoir jamais existé et prive de base légale la poursuite engagée pour violation de cet acte.

«Attendu que l’annulation par la juridiction administrative d’un acte administratif implique que cet acte est réputé n’avoir jamais existé et prive de base légale la poursuite engagée pour violation de cet acte ;


Attendu que la Cour d’appel a condamné Pedro P pour avoir conduit un véhicule à moteur en violation de la décision du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire du 22 février 2006 portant notification de la perte de la totalité des points dont son permis de conduire était affecté ;


Attendu qu’il résulte des pièces produites que ladite décision a été annulée par un jugement définitif du tribunal administratif d’Amiens, en date du 18 mars 2008, aux motifs que onze retraits de points étaient illégaux ;


Attendu que cette annulation a pour conséquence d’enlever toute base légale à la poursuite et à la condamnation qui est intervenue ».


La Cour de Cassation confirme ainsi la position qui est la sienne depuis plusieurs années en matière de Permis de Conduire, lorsque le tribunal administratif a annulé les pertes de points.

vendredi 15 avril 2011

LA LOI LOPPSI 2 ET LE DELAI DE PASSAGE ENTRE CHAQUE STAGE DE RECUPERATION DE POINTS

La loi LOPPSI 2, qui vient d’être promulguée le 15 mars 2011, a réduit le délai de passage entre chaque stage de récupération de quatre points de deux ans à un an.


Cependant, des doutes demeuraient sur l’application effective de cette disposition : est-elle applicable à l’ensemble des stages suivis avant l’entrée en vigueur de la loi, soit le 15 mars 2011, ou bien seulement aux stages suivis postérieurement à cette date ?



Par exemple, et pour donner un exemple concret :


Un automobiliste effectue un stage de récupération de points le 10 décembre 2010 (soit avant l’entrée en vigueur de la loi)


Doit-il :

  • Attendre le 10 décembre 2012 avant de passer son nouveau stage ? (soit deux ans après, suivant l’ancien régime applicable)

  • Ou bien a-t-il la possibilité de passer un stage de récupération de points à compter du 10 décembre 2011 ?

La réponse vient de nous être apportée par le Ministère de l’Intérieur, qui vient d’envoyer aux Préfectures une note interne pour clarifier les applications de la loi LOPPSI 2.


L ’article 76 de la loi LOPPSI publiée au Journal Officiel le 15 mars 2011, relatif aux stages de récupération de points, est immédiatement applicable dès l’entrée en vigueur de la loi.


Il est précisé dans la note qu’« il convient de prendre en compte les stages suivis à compter du 15 mars 2011 si un délai d’un an les sépare du précédent stage ayant donné lieu à une reconstitution de points ». Cette information a été confirmée par écrit à l’association 40 Millions d’automobilistes par la directrice de la circulation et de la sécurité routière à la DMAT, autorité du Ministère de l’Intérieur responsable du fichier national du permis de conduire.


Autrement dit, une personne peut s’inscrire à un stage de récupération de points a partir du 15 mars 2011, si un délai d’un an ou plus sépare ce nouveau stage du précédent.


Ainsi, notre automobiliste, qui a effectué son stage le 10 décembre 2010, peut donc s'inscrire à un nouveau stage pour le 10 décembre 2011, puisqu’un an le séparera de son dernier stage.